Extraits de: « La Désobéissance Civile »
par Henry David Thoreau
p.9 J’accepte de tout coeur la devise suivante : « Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie d’effet plus rapidement et plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout » ; et quand les hommes y seront prêts, tel sera le genre de gouvernement qu’ils auront.
p. 11 Mais pour parler pratiquement et en citoyen, à la différence de ceux qui se baptisent antigouvernementaux, je réclame, non une absence immédiate de gouvernement, mais immédiatement un meilleur gouvernement. Que chacun publie quel serait le genre de gouvernement qu’il respecterait et nous aurions déjà fait un pas vers sa réalisation.
Après tout, la raison pratique pour laquelle, une fois le pouvoir échu aux mains du peuple, une majorité reçoit la permission de régner, et continue de la détenir pour une longue période, ce n’est pas parce qu’elle court plus de risques d’avoir raison, ni parce que cela semble plus juste à la minorité, mais parce qu’elle est physiquement plus forte. Or, le gouvernement où la majorité décide dans tous les cas ne peut se fonder sur la justice, y compris au sens restreint où l’entend l’humanité. Ne peut-il exister un gouvernement dans lequel les majorités ne décident pas virtuellement du juste et de l’injuste, mais bien plutôt de la conscience? – dans lequel les majorités ne décident que de ces questions où la règle de l’utilité est opérante ? Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste.* On dit justement qu’une corporation n’a pas de conscience; mais une corporation faite d’êtres consciencieux est une corporation douée d’une conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes plus justes d’un iota; et, à cause du respect qu’ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l’injustice.
p. 22 Ceux qui, tout en critiquant le type et les décisions d’un gouvernement, lui donnent leur allégeance et leur soutien sont assurément ses soutiens les plus scrupuleux et donc souvent les obstacles les plus sérieux à la réforme.
p.34 Je ne suis pas né pour être contraint. Je veux respirer comme je l’entends.
p.47 L’autorité du gouvernement, même si elle est telle que j’accepte de m’y soumettre – car j’obéirai volontiers à ceux qui en savent plus que moi et qui font mieux que moi, et à plusieurs égards, même à ceux qui n’en savent pas autant et font moins bien -, reste impure : pour être strictement juste, elle doit posséder l’agrément et le consentement des gouvernés. Elle ne peut avoir de droit absolu sur ma personne et ma propriété sinon celui que je lui concède.
p.48 Il me plaît d’imaginer un État qui puisse se permettre d’être juste envers tous les hommes et qui traite l’individu avec respect comme un voisin; qui ne jugerait pas sa propre quiétude menacée si quelques-uns s’installaient à l’écart, ne s’y mêlant pas, en refusant l’étreinte sans pour autant s’abstenir de remplir tous les devoirs de bons voisins et de compatriotes. Un État qui porterait ce genre de fruit, et le laisserait tomber aussi vite qu’il a mûri, ouvrirait la voie à un État encore plus glorieux et parfait, que j’ai également imaginé sans le voir nulle part.
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Après la lecture de ce texte, nous suggérons de faire un petit exercice qui pourrait s’avérer amusant, peut-être même utile :
Relisons-le en remplaçant les mots «gouvernement, État » par « association », les verbes
« gouverner, régner » par « diriger » et les mots « homme, citoyen, gouverné, individu » par « famille-membre » et nous avons quelques pistes de réflexions plutôt actuelles à considérer sous un nouvel angle.par Henry David Thoreau
p.9 J’accepte de tout coeur la devise suivante : « Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie d’effet plus rapidement et plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout » ; et quand les hommes y seront prêts, tel sera le genre de gouvernement qu’ils auront.
p. 11 Mais pour parler pratiquement et en citoyen, à la différence de ceux qui se baptisent antigouvernementaux, je réclame, non une absence immédiate de gouvernement, mais immédiatement un meilleur gouvernement. Que chacun publie quel serait le genre de gouvernement qu’il respecterait et nous aurions déjà fait un pas vers sa réalisation.
Après tout, la raison pratique pour laquelle, une fois le pouvoir échu aux mains du peuple, une majorité reçoit la permission de régner, et continue de la détenir pour une longue période, ce n’est pas parce qu’elle court plus de risques d’avoir raison, ni parce que cela semble plus juste à la minorité, mais parce qu’elle est physiquement plus forte. Or, le gouvernement où la majorité décide dans tous les cas ne peut se fonder sur la justice, y compris au sens restreint où l’entend l’humanité. Ne peut-il exister un gouvernement dans lequel les majorités ne décident pas virtuellement du juste et de l’injuste, mais bien plutôt de la conscience? – dans lequel les majorités ne décident que de ces questions où la règle de l’utilité est opérante ? Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste.* On dit justement qu’une corporation n’a pas de conscience; mais une corporation faite d’êtres consciencieux est une corporation douée d’une conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes plus justes d’un iota; et, à cause du respect qu’ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l’injustice.
p. 22 Ceux qui, tout en critiquant le type et les décisions d’un gouvernement, lui donnent leur allégeance et leur soutien sont assurément ses soutiens les plus scrupuleux et donc souvent les obstacles les plus sérieux à la réforme.
p.34 Je ne suis pas né pour être contraint. Je veux respirer comme je l’entends.
p.47 L’autorité du gouvernement, même si elle est telle que j’accepte de m’y soumettre – car j’obéirai volontiers à ceux qui en savent plus que moi et qui font mieux que moi, et à plusieurs égards, même à ceux qui n’en savent pas autant et font moins bien -, reste impure : pour être strictement juste, elle doit posséder l’agrément et le consentement des gouvernés. Elle ne peut avoir de droit absolu sur ma personne et ma propriété sinon celui que je lui concède.
p.48 Il me plaît d’imaginer un État qui puisse se permettre d’être juste envers tous les hommes et qui traite l’individu avec respect comme un voisin; qui ne jugerait pas sa propre quiétude menacée si quelques-uns s’installaient à l’écart, ne s’y mêlant pas, en refusant l’étreinte sans pour autant s’abstenir de remplir tous les devoirs de bons voisins et de compatriotes. Un État qui porterait ce genre de fruit, et le laisserait tomber aussi vite qu’il a mûri, ouvrirait la voie à un État encore plus glorieux et parfait, que j’ai également imaginé sans le voir nulle part.
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Après la lecture de ce texte, nous suggérons de faire un petit exercice qui pourrait s’avérer amusant, peut-être même utile :
Relisons-le en remplaçant les mots «gouvernement, État » par « association », les verbes
LEMAQ
* caractère gras ajouté par LEMAQ
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