Partie 2 : L'éducation maison et La Déclaration des droits de l’enfant et la Déclaration concernant la promotion parmi les jeunes des idéaux de paix, de respect mutuel et de compréhension entre les peuples
Partie 3 : L’éducation maison et La Charte des droits et libertés de la personne et Le Code civil du Québec
Partie 4 : L'Éducation maison,la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur l'instruction publique
Partie 5 : L'Éducation maison et la Loi sur l’instruction publique : une autre interprétation
Partie 6 : L’Éducation maison et notre Réflexion sur la Légitimité d’une loi. Antigone. Instrument international des Nations Unies : Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social.
À NOTER: Il est important de garder à l'esprit que cette série d’articles sur la légalité de l'école maison ne constitue pas un avis légal provenant d'un professionnel du droit. Le contenu de ces articles se veut uniquement un outil de réflexion et d'information générale sur le thème de la légalité.
L’éducation Maison et la loi : Réflexion sur la légitimité d'une loi. Antigone. Instrument international des Nations Unies: Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social.
Les articles précédents ont démontré que l'école maison est une pratique légale au Québec. Cependant, dans la vie quotidienne, bien des parents ne sont pas au courant de cette possibilité. Il en est de même pour bien des enseignants et autres intervenants scolaires mais la tendance semble aller à une meilleure information auprès de ces professionnels.
L'éducation à la maison n'est pas seulement le fait de familles qui désirent avant tout que leur enfant intègre le système scolaire un jour. Ce n’est pas seulement le fait de familles qui optent temporairement pour l'éducation à domicile. Ce ne sont pas toutes les familles qui désirent que leur commission scolaire s'implique dans la reconnaissance et le soutien de ce qu'elles vivent. Pour certaines familles, l'intervention de leur commission scolaire est une ingérence et un non-sens. Des familles en viennent à choisir l'école maison par défaut, parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour protéger le développement de leur enfant. Malheureusement, l'école n'est pas toujours le beau milieu de vie que la société souhaite pour les enfants québécois. Pour ces familles, une coupure franche et nette avec le système scolaire est la seule façon de faire cesser une agression morale sur leur enfant. Enfin, il y a d'autres familles qui intègrent l'école maison comme un mode de vie. Ce mode de vie peut être modelé par des convictions profondes qui sont difficiles à arrimer avec une intervention gouvernementale dans leur vie comme il peut être en harmonie avec la culture ambiante. Ainsi, des familles désirent faire évaluer régulièrement leur enfant, montrant en cela un certain conformisme envers les normes sociales en éducation. Mais d'autres jugent absolument inacceptable de rendre des comptes à une commission scolaire ou à un professionnel pouvant être porteur de valeurs sociales différentes, voire même incompatibles avec les convictions dans lesquelles leur famille s'investit. Ces relations possiblement conflictuelles entre une famille et une commission scolaire peuvent aspirer à devenir harmonieuse si la loi sur l'instruction publique est interprétée avec souplesse et avec un sens éthique. Nous avons proposé une alternative mais nous ne sommes pas juristes et ne pouvons pas par conséquent trancher la question. Dans l'optique où la souplesse nécessaire pour vivre une école maison pleinement maison n'est pas consistante avec la loi, nous sommes dans l'obligation de soulever la question de la légitimité de la loi sur l'instruction publique.
Les lois doivent nous aider à vivre en société. Le rapport entre lois et sociétés en est un d'interdépendance. Il n'y a pas de lois sans société ni sociétés sans loi (qu'une loi soit tacite ou explicite). Les lois peuvent modeler l'évolution d'une société mais la société peut aussi modifier ces lois lorsqu'elles ne répondent plus à ses aspirations, à ses valeurs, à son développement, à ses problématiques. Ainsi, la loi sur l'instruction publique a été entérinée par notre société avant que le mouvement de l'école maison y ait une expression. La question qui se profile est de déterminer si la loi est suffisamment souple pour englober l'école maison en tant que mouvement et non en tant que choix éducatif à la remorque d'une technocratie éducative ou d'un socialisme. Chaque être humain se confronte à la loi des hommes de sa société par le contrôle de soi plus ou moins développé qu'il met en oeuvre. Mais cette confrontation atteint sa pleine expression lorsqu'il y a affrontement entre la loi humaine et la loi du coeur, cette loi que la dignité humaine, dans tout ce qu'elle comporte de noblesse, lui dicte. Certains parleront même de loi divine. L'histoire d'Antigone que nous a laissé le poète grec Sophocle il y a environ 2500 ans illustre bien cette opposition possible entre les lois d'une société et les lois que notre compétence personnelle nous somme d'obéir. Antigone ira enterrer son frère Polynice malgré l'interdiction de sépulture que sa société a fait tomber sur lui. Elle est prête à affronter la colère, le mépris et la sanction (ici la mort) de sa société pour agir selon sa conscience. L'école maison peut s'inscrire comme une action relevant de la désobéissance civile, de la non-violence, de la résistance politique.
Le point est que la diversité des pratiques de l'école maison ne trouve pas un arrimage parfait avec la loi sur l'instruction publique. Le mouvement de l'école maison est une démonstration de la vitalité de la réponse des parents envers leur rôle de citoyen ainsi qu'envers les lacunes du système d'éducation publique ou privé concernant les besoins de leurs familles. La loi sur l'instruction publique a de forte chance d'être interprétée selon la culture dominante dans la société québécoise, culture dont les divers intervenants des services publics dédiés aux enfants risquent fort d'en être imprégnés. Cette culture dominante est certes concernée par le bien-être des enfants. Cependant, ce bien-être est conçu selon un ensemble de valeurs dominées par le matérialisme. Ainsi, parce que la grande majorité des deux parents continuent de travailler tout en fondant une famille, la société valorise des programmes, des lois, des mesures qui favorisent le retour au travail. Si une mère use par contre de sa liberté d'allaiter son enfant plus de 2 ans, elle a peu de soutien social pour vivre selon ses convictions marginales. Elle rencontre même un corpus de préjugés: problèmes de sommeil, de comportement, d'autonomie et d'épuisement maternel. Notre société met tellement d'argent dans le développement de services de garde à temps plein que le maternage par l'allaitement prolongé s'y insère difficilement. Le développement des services de gardes à temps plein a comme tendance lourde d'établir des normes sociales qui encadrent le parentage selon un modèle unique. Envers l'école maison, cette culture ambiante demeure. La société en vient donc à considérer la fréquentation scolaire non pas comme un modèle possible d'éducation mais comme le modèle de référence puisqu'il répond adéquatement aux besoins et aspirations sociales: développement de l'enfant tout en libérant les parents. Cette culture influence forcément les divers intervenants dans leur interprétation de la loi et son application. Sauf, évidemment s'ils ont fait l'effort d'acquérir une culture qui accepte dans son fondement l'éthique comme outil de gestion des rapports humains.
Le mouvement de l'école maison est une réponse saine des parents sur des questions touchant leurs responsabilités. Il s'inscrit dans une volonté de progrès et de développement social. Ces parents sont conscients que leurs enfants seront des citoyens à leur tour. Ces parents travaillent à bâtir leur société par l'éducation de leurs enfants et les éduquent aussi dans l'idée d'une société à bâtir. Nous léguons à nos enfants de hautes aspirations pour la magnification (émancipation) de la dignité humaine. Nous leur léguons aussi une boîte de Pandore regorgeant de problèmes sociaux, environnementaux et économiques. Pour ces parents, l'école maison devient un moyen d'accompagner ce legs d'une boîte à outil: une éducation sur mesure. L'école est un engagement tacitement social des parents qui accomplissent ainsi leur devoir à contribuer au progrès social. Selon l'article 4 de la Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social:
«La famille, en tant qu'élément de base de la société et que milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants et des jeunes, doit être aidée et protégée afin qu'elle puisse assumer pleinement ses responsabilités au sein de la communauté. ...»
L'école maison est un choix éducatif marginal qui va à l'encontre de la culture ambiante comme nous l'avons déjà dit. Les parents qui entreprennent cette voie sont forcément conscients de cette marginalité et n'y ont pas tous sauté le coeur léger. De plus, la décision d'assumer complètement l'éducation de leurs enfants n'est pas irréfléchie. Elle est le résultat d'un processus de réflexion pour parvenir à une opinion éclairée sur la question. Cette démarche éducative est une initiative créatrice sollicitant pleinement les ressources humaines des parents et de leur environnement dont le but est d'améliorer les services éducatifs offerts à leurs enfants. Cette approche s'inscrit tout à fait dans l'esprit de l'article 5 de la même déclaration aux alinéas a), c) et d). De plus, l'article 22 demande à ce qu'il y ait élaboration et coordination de politiques et de mesures visant à renforcer les fonctions essentielles de la famille en tant que cellule de base de la société. Plusieurs familles qui font l'école maison en contexte québécois n'en demande pas tant de la part de leur gouvernement. Nous croyons même, ce n'est que notre opinion d'auteur(e)s, que notre société n'a pas encore assez développé sa maturité sur le plan de la vie démocratique pour que le gouvernement offre un soutien matériel et professionnel aux familles d'école maison sans ingérence dans les libertés fondamentales. Quelques familles auraient besoin d'un minimum de soutien parce que leurs enfants ont des besoins particuliers ou qu'elles sont à faible revenu. Mais la majorité des familles souhaitent en général qu'on les laisse jouir en paix de leurs libertés fondamentales. Elles font un peu cavalier seul, chargées de lourdes responsabilités mais fières de leur mission et braves dans l'adversité.
© LEMAQ 2003-2007
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