mercredi 30 mai 2007

La meilleure «gouvernance»

Extraits de: « La Désobéissance Civile »
par Henry David Thoreau


p.9 J’accepte de tout coeur la devise suivante : « Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie d’effet plus rapidement et plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout » ; et quand les hommes y seront prêts, tel sera le genre de gouvernement qu’ils auront.

p. 11 Mais pour parler pratiquement et en citoyen, à la différence de ceux qui se baptisent antigouvernementaux, je réclame, non une absence immédiate de gouvernement, mais immédiatement un meilleur gouvernement. Que chacun publie quel serait le genre de gouvernement qu’il respecterait et nous aurions déjà fait un pas vers sa réalisation.
Après tout, la raison pratique pour laquelle, une fois le pouvoir échu aux mains du peuple, une majorité reçoit la permission de régner, et continue de la détenir pour une longue période, ce n’est pas parce qu’elle court plus de risques d’avoir raison, ni parce que cela semble plus juste à la minorité, mais parce qu’elle est physiquement plus forte. Or, le gouvernement où la majorité décide dans tous les cas ne peut se fonder sur la justice, y compris au sens restreint où l’entend l’humanité. Ne peut-il exister un gouvernement dans lequel les majorités ne décident pas virtuellement du juste et de l’injuste, mais bien plutôt de la conscience? – dans lequel les majorités ne décident que de ces questions où la règle de l’utilité est opérante ? Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste.* On dit justement qu’une corporation n’a pas de conscience; mais une corporation faite d’êtres consciencieux est une corporation douée d’une conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes plus justes d’un iota; et, à cause du respect qu’ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l’injustice.

p. 22 Ceux qui, tout en critiquant le type et les décisions d’un gouvernement, lui donnent leur allégeance et leur soutien sont assurément ses soutiens les plus scrupuleux et donc souvent les obstacles les plus sérieux à la réforme.

p.34 Je ne suis pas né pour être contraint. Je veux respirer comme je l’entends.

p.47 L’autorité du gouvernement, même si elle est telle que j’accepte de m’y soumettre – car j’obéirai volontiers à ceux qui en savent plus que moi et qui font mieux que moi, et à plusieurs égards, même à ceux qui n’en savent pas autant et font moins bien -, reste impure : pour être strictement juste, elle doit posséder l’agrément et le consentement des gouvernés. Elle ne peut avoir de droit absolu sur ma personne et ma propriété sinon celui que je lui concède.

p.48 Il me plaît d’imaginer un État qui puisse se permettre d’être juste envers tous les hommes et qui traite l’individu avec respect comme un voisin; qui ne jugerait pas sa propre quiétude menacée si quelques-uns s’installaient à l’écart, ne s’y mêlant pas, en refusant l’étreinte sans pour autant s’abstenir de remplir tous les devoirs de bons voisins et de compatriotes. Un État qui porterait ce genre de fruit, et le laisserait tomber aussi vite qu’il a mûri, ouvrirait la voie à un État encore plus glorieux et parfait, que j’ai également imaginé sans le voir nulle part.

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Après la lecture de ce texte, nous suggérons de faire un petit exercice qui pourrait s’avérer amusant, peut-être même utile :

Relisons-le en remplaçant les mots «gouvernement, État » par « association », les verbes
« gouverner, régner » par « diriger » et les mots « homme, citoyen, gouverné, individu » par « famille-membre » et nous avons quelques pistes de réflexions plutôt actuelles à considérer sous un nouvel angle.

LEMAQ

* caractère gras ajouté par LEMAQ

mardi 22 mai 2007

Bulles




"L'école de la vie n'a point de vacances."
- Proverbe français



"Quand maman est fatiguée, pourquoi c'est moi qui doit aller se coucher ?"
- Paroles d’enfant

vendredi 18 mai 2007

Si mes enfants étaient allés à l’école

Si mes enfants étaient allés à l’école, j’aurais pu faire carrière dans ma profession !
J’étais infirmière puéricultrice, je serais aujourd’hui cadre infirmier, surveillante d’un service hospitalier ou enseignante dans une école d’infirmière puéricultrice...ou alors j’aurais fait 13 ans dans le même service de Protection Maternelle et Infantile des Mureaux, sans réelle promotion ! Est-ce que cela m’aurait plus épanouie ?
Dans ma non profession, j’ai exploré à fond tout un tas de compétences, j’ai découvert des perspectives passionnantes à mon rôle de mère à 100%. Je suis devenue un cadre supérieur dans ce domaine. Ce que je pourrais exploiter plus tard, si je retrouve le monde du travail.

Si mes enfants étaient allés à l’école, j’aurais aujourd’hui une vraie reconnaissance sociale en ayant poursuivie ma profession.
Et au moins à la question : « Quelle est votre profession ? » je ne répondrais pas « sans ! ». Mais cette réponse peut souvent être enrichie et les débats qui s’en suivent sur la liberté du choix d’instruction sont souvent très riches.
Et aurais-je été aussi mobile que je l’ai été ? Serions-nous installés dans une maison en bord de mer ? Sans travail pour moi, nous avons pu déplacer toute la famille facilement quand le papa s’est vu offrir une opportunité à Saint Malo. Et nous pouvons librement le rejoindre à Paris, maintenant qu’il y est reparti sans pour autant renoncer à notre vie de bord de mer ; parce que je n’ai pas d’emploi, et car les enfants ne vont pas au collège.

Si mes enfants étaient allés à l’école, nous aurions deux salaires et donc plus d’argent.
Que nous aurions dépensé en mode de garde, en dépenses diverses et variées (vêtements, cantine, moyens de transport...) pour faire face à une socialisation importante.
Difficile de faire avec un seul salaire, mais les dépenses sont moins importantes tout de même et plus facile à compresser.

Si mes enfants étaient allés à l’école, leurs frais de scolarité n’auraient pas été à notre charge.
A condition de les scolariser dans le public tout de même. Et certes, je paye tous les manuels ou méthodes diverses, les sorties .... mais au moins nous avons le choix de ce que nous achetons, et sommes capables donc de cibler nos préférences, et mes enfants ne sont pas tributaires de choix qu’ils n’ont pas fait.
Je me sens ainsi également complètement responsable de l’éducation de mes enfants, et non dépendante d’un état.

Si mes enfants allaient à l’école, ils auraient pleins de copains.
Et passeraient plus de temps avec leurs copains qu’avec leur famille, finalement ils seraient plus liés à leur groupe d’amis qu’à leur famille. A la maison, les enfants sont meilleurs amis entre frères, à force d’être ensemble des liens très forts se sont établis, une grande complicité entre eux existe. Ils ont des copains, mais n’en sont pas dépendants. Ils aiment être en compagnie d’autres jeunes, mais apprécient largement de se retrouver seuls tranquilles à la maison.

Si mes enfants allaient à l’école, j’aurais plus de temps pour moi.
Et donc j’irais travailler, et je ferais la double journée des femmes qui ont une activité salariée et une famille à élever...Aurais-je plus de temps pour moi ?
Le temps où j’élève mes enfants ne correspond qu’à à peine un cinquième de ma vie (et oui ! je vais vivre jusqu’à au moins 100 ans et en bonne santé bien sûr !), c’est donc peu long, je crois que je peux bien leur consacrer ce temps. Du coup, à être autant avec eux, je connais bien mes enfants et ai toujours eu l’impression de bien profiter d’eux, ce qui fait que je n’ai pas de difficulté à les laisser partir et ne ressens pas de manque quand ils ne sont pas avec moi. C’est vrai que ce temps passe vite, je n’aurai pas de regret, j’en profite au maximum.

Si mes enfants allaient à l’école, nous aurions une vie mieux réglée, plus régulière.
C’est sûr qu’à la maison, un rien vient bouleverser le déroulement de la journée, et il faut avoir de la volonté pour ne pas se laisser déconcentrer par la vie !(mais n’est-ce pas plutôt ça la vie, être disponible à la vie)
Quelle liberté aussi !
Et la vie comporte moins de stress pour les enfants : réveil plus naturel, à une heure plus raisonnable, repas équilibrés et pris dans le calme, bref un rythme de vie beaucoup moins stressant qui laisse place aux initiatives personnelles. Pour les enfants et également pour moi ! J’ai aussi moins besoin de les presser et d’être exigeante (sur la tenue vestimentaire par exemple) et j’ai donc moins de raison de râler.

Si mes enfants allaient à l’école, le poids de leurs études ne pèserait pas sur moi.
C’est sûr que c’est une sacrée responsabilité et j’essaye d’aménager les choses au mieux pour moi aussi. Mais, au moins, je me sens responsable jusqu’au bout, et actrice dans cette responsabilité et non totalement démunie face à un corps enseignant tout puissant. Je connais beaucoup de parents désemparés et impuissants face à ce que l’on propose à leurs enfants comme orientation en fin de collège.

Si mes enfants allaient à l’école,...
Si mes enfants allaient à l’école,...
Si mes enfants allaient à l’école,...

Je crois que je pourrais continuer longtemps comme cela.
J’ai été un peu nombriliste dans ce post, et ai peu parlé de ce que cela apporte à mes enfants de ne pas aller à l’école. J’ai peu parlé en terme d’apprentissage, et en terme de liberté d’instruction. En 12 années d’IEF peut être que je fatigue un peu sur ce thème. De plus, j’ai fêté mes 40 ans, il y a peu, et c’est le moment de me pencher un peu plus sur moi...c’est souvent l’heure du bilan personnel. C’est ce qui m’arrive, après m’être beaucoup interrogée sur mes enfants, j’observe un retour sur moi. Se profile à l’horizon le moment où mes enfants vivront leur vie hors de la famille et je sens que, doucement, se prépare ce moment dans ma tête. C’est important, car ils occupent une place énorme dans mon quotidien.

La Fée Viviane
Ce texte est reproduit ici avec la permission de l'auteure. LEMAQ l'en remercie.

vendredi 11 mai 2007

Réflexion sur l'Aspect Légal - Partie 6

Partie 1 : L’éducation maison et La Déclaration universelle des droits de l’homme
Partie 2 : L'éducation maison et La Déclaration des droits de l’enfant et la Déclaration concernant la promotion parmi les jeunes des idéaux de paix, de respect mutuel et de compréhension entre les peuples
Partie 3 : L’éducation maison et La Charte des droits et libertés de la personne et Le Code civil du Québec
Partie 4 : L'Éducation maison,la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur l'instruction publique
Partie 5 : L'Éducation maison et la Loi sur l’instruction publique : une autre interprétation
Partie 6 : L’Éducation maison et notre Réflexion sur la Légitimité d’une loi. Antigone. Instrument international des Nations Unies : Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social.

À NOTER: Il est important de garder à l'esprit que cette série d’articles sur la légalité de l'école maison ne constitue pas un avis légal provenant d'un professionnel du droit. Le contenu de ces articles se veut uniquement un outil de réflexion et d'information générale sur le thème de la légalité.



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L’éducation Maison et la loi : Réflexion sur la légitimité d'une loi. Antigone. Instrument international des Nations Unies: Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social.


Les articles précédents ont démontré que l'école maison est une pratique légale au Québec. Cependant, dans la vie quotidienne, bien des parents ne sont pas au courant de cette possibilité. Il en est de même pour bien des enseignants et autres intervenants scolaires mais la tendance semble aller à une meilleure information auprès de ces professionnels.

L'éducation à la maison n'est pas seulement le fait de familles qui désirent avant tout que leur enfant intègre le système scolaire un jour. Ce n’est pas seulement le fait de familles qui optent temporairement pour l'éducation à domicile. Ce ne sont pas toutes les familles qui désirent que leur commission scolaire s'implique dans la reconnaissance et le soutien de ce qu'elles vivent. Pour certaines familles, l'intervention de leur commission scolaire est une ingérence et un non-sens. Des familles en viennent à choisir l'école maison par défaut, parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour protéger le développement de leur enfant. Malheureusement, l'école n'est pas toujours le beau milieu de vie que la société souhaite pour les enfants québécois. Pour ces familles, une coupure franche et nette avec le système scolaire est la seule façon de faire cesser une agression morale sur leur enfant. Enfin, il y a d'autres familles qui intègrent l'école maison comme un mode de vie. Ce mode de vie peut être modelé par des convictions profondes qui sont difficiles à arrimer avec une intervention gouvernementale dans leur vie comme il peut être en harmonie avec la culture ambiante. Ainsi, des familles désirent faire évaluer régulièrement leur enfant, montrant en cela un certain conformisme envers les normes sociales en éducation. Mais d'autres jugent absolument inacceptable de rendre des comptes à une commission scolaire ou à un professionnel pouvant être porteur de valeurs sociales différentes, voire même incompatibles avec les convictions dans lesquelles leur famille s'investit. Ces relations possiblement conflictuelles entre une famille et une commission scolaire peuvent aspirer à devenir harmonieuse si la loi sur l'instruction publique est interprétée avec souplesse et avec un sens éthique. Nous avons proposé une alternative mais nous ne sommes pas juristes et ne pouvons pas par conséquent trancher la question. Dans l'optique où la souplesse nécessaire pour vivre une école maison pleinement maison n'est pas consistante avec la loi, nous sommes dans l'obligation de soulever la question de la légitimité de la loi sur l'instruction publique.

Les lois doivent nous aider à vivre en société. Le rapport entre lois et sociétés en est un d'interdépendance. Il n'y a pas de lois sans société ni sociétés sans loi (qu'une loi soit tacite ou explicite). Les lois peuvent modeler l'évolution d'une société mais la société peut aussi modifier ces lois lorsqu'elles ne répondent plus à ses aspirations, à ses valeurs, à son développement, à ses problématiques. Ainsi, la loi sur l'instruction publique a été entérinée par notre société avant que le mouvement de l'école maison y ait une expression. La question qui se profile est de déterminer si la loi est suffisamment souple pour englober l'école maison en tant que mouvement et non en tant que choix éducatif à la remorque d'une technocratie éducative ou d'un socialisme. Chaque être humain se confronte à la loi des hommes de sa société par le contrôle de soi plus ou moins développé qu'il met en oeuvre. Mais cette confrontation atteint sa pleine expression lorsqu'il y a affrontement entre la loi humaine et la loi du coeur, cette loi que la dignité humaine, dans tout ce qu'elle comporte de noblesse, lui dicte. Certains parleront même de loi divine. L'histoire d'Antigone que nous a laissé le poète grec Sophocle il y a environ 2500 ans illustre bien cette opposition possible entre les lois d'une société et les lois que notre compétence personnelle nous somme d'obéir. Antigone ira enterrer son frère Polynice malgré l'interdiction de sépulture que sa société a fait tomber sur lui. Elle est prête à affronter la colère, le mépris et la sanction (ici la mort) de sa société pour agir selon sa conscience. L'école maison peut s'inscrire comme une action relevant de la désobéissance civile, de la non-violence, de la résistance politique.

Le point est que la diversité des pratiques de l'école maison ne trouve pas un arrimage parfait avec la loi sur l'instruction publique. Le mouvement de l'école maison est une démonstration de la vitalité de la réponse des parents envers leur rôle de citoyen ainsi qu'envers les lacunes du système d'éducation publique ou privé concernant les besoins de leurs familles. La loi sur l'instruction publique a de forte chance d'être interprétée selon la culture dominante dans la société québécoise, culture dont les divers intervenants des services publics dédiés aux enfants risquent fort d'en être imprégnés. Cette culture dominante est certes concernée par le bien-être des enfants. Cependant, ce bien-être est conçu selon un ensemble de valeurs dominées par le matérialisme. Ainsi, parce que la grande majorité des deux parents continuent de travailler tout en fondant une famille, la société valorise des programmes, des lois, des mesures qui favorisent le retour au travail. Si une mère use par contre de sa liberté d'allaiter son enfant plus de 2 ans, elle a peu de soutien social pour vivre selon ses convictions marginales. Elle rencontre même un corpus de préjugés: problèmes de sommeil, de comportement, d'autonomie et d'épuisement maternel. Notre société met tellement d'argent dans le développement de services de garde à temps plein que le maternage par l'allaitement prolongé s'y insère difficilement. Le développement des services de gardes à temps plein a comme tendance lourde d'établir des normes sociales qui encadrent le parentage selon un modèle unique. Envers l'école maison, cette culture ambiante demeure. La société en vient donc à considérer la fréquentation scolaire non pas comme un modèle possible d'éducation mais comme le modèle de référence puisqu'il répond adéquatement aux besoins et aspirations sociales: développement de l'enfant tout en libérant les parents. Cette culture influence forcément les divers intervenants dans leur interprétation de la loi et son application. Sauf, évidemment s'ils ont fait l'effort d'acquérir une culture qui accepte dans son fondement l'éthique comme outil de gestion des rapports humains.

Le mouvement de l'école maison est une réponse saine des parents sur des questions touchant leurs responsabilités. Il s'inscrit dans une volonté de progrès et de développement social. Ces parents sont conscients que leurs enfants seront des citoyens à leur tour. Ces parents travaillent à bâtir leur société par l'éducation de leurs enfants et les éduquent aussi dans l'idée d'une société à bâtir. Nous léguons à nos enfants de hautes aspirations pour la magnification (émancipation) de la dignité humaine. Nous leur léguons aussi une boîte de Pandore regorgeant de problèmes sociaux, environnementaux et économiques. Pour ces parents, l'école maison devient un moyen d'accompagner ce legs d'une boîte à outil: une éducation sur mesure. L'école est un engagement tacitement social des parents qui accomplissent ainsi leur devoir à contribuer au progrès social. Selon l'article 4 de la Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social:


«La famille, en tant qu'élément de base de la société et que milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants et des jeunes, doit être aidée et protégée afin qu'elle puisse assumer pleinement ses responsabilités au sein de la communauté. ...»

L'école maison est un choix éducatif marginal qui va à l'encontre de la culture ambiante comme nous l'avons déjà dit. Les parents qui entreprennent cette voie sont forcément conscients de cette marginalité et n'y ont pas tous sauté le coeur léger. De plus, la décision d'assumer complètement l'éducation de leurs enfants n'est pas irréfléchie. Elle est le résultat d'un processus de réflexion pour parvenir à une opinion éclairée sur la question. Cette démarche éducative est une initiative créatrice sollicitant pleinement les ressources humaines des parents et de leur environnement dont le but est d'améliorer les services éducatifs offerts à leurs enfants. Cette approche s'inscrit tout à fait dans l'esprit de l'article 5 de la même déclaration aux alinéas a), c) et d). De plus, l'article 22 demande à ce qu'il y ait élaboration et coordination de politiques et de mesures visant à renforcer les fonctions essentielles de la famille en tant que cellule de base de la société. Plusieurs familles qui font l'école maison en contexte québécois n'en demande pas tant de la part de leur gouvernement. Nous croyons même, ce n'est que notre opinion d'auteur(e)s, que notre société n'a pas encore assez développé sa maturité sur le plan de la vie démocratique pour que le gouvernement offre un soutien matériel et professionnel aux familles d'école maison sans ingérence dans les libertés fondamentales. Quelques familles auraient besoin d'un minimum de soutien parce que leurs enfants ont des besoins particuliers ou qu'elles sont à faible revenu. Mais la majorité des familles souhaitent en général qu'on les laisse jouir en paix de leurs libertés fondamentales. Elles font un peu cavalier seul, chargées de lourdes responsabilités mais fières de leur mission et braves dans l'adversité.

© LEMAQ 2003-2007

lundi 7 mai 2007

La Récré




Un petit air de soumission. Le pire air pour un enfant.
- Elise Turcotte




Nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux.
Substituer des livres à tout cela, ce n'est pas nous apprendre à raisonner,
c'est nous apprendre à nous servir de la raison d'autrui.
- Jean-Jacques Rousseau

jeudi 3 mai 2007

Réflexion sur l'Aspect Légal - Partie 5

Partie 1 : L’éducation maison et La Déclaration universelle des droits de l’homme
Partie 2 : L'éducation maison et La Déclaration des droits de l’enfant et la Déclaration concernant la promotion parmi les jeunes des idéaux de paix, de respect mutuel et de compréhension entre les peuples
Partie 3 : L’éducation maison et La Charte des droits et libertés de la personne et Le Code civil du Québec
Partie 4 : L'Éducation maison,la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur l'instruction publique
Partie 5 : L'Éducation maison et la Loi sur l’instruction publique : une autre interprétation
Partie 6 : à venir

À NOTER: Il est important de garder à l'esprit que cette série d’articles sur la légalité de l'école maison ne constitue pas un avis légal provenant d'un professionnel du droit. Le contenu de ces articles se veut uniquement un outil de réflexion et d'information générale sur le thème de la légalité.



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L’Éducation Maison et la Loi : L'Éducation maison et la Loi sur l’instruction publique : une autre interprétation


Dans la quatrième partie de notre série d’articles sur l’aspect légal , nous avons vu la loi sur l’instruction publique et nous aimerions maintenant y accorder un peu plus d’attention.

Un rappel : Loi sur l’instruction publique


«15. Est dispensé de fréquenter une école l'enfant qui:
1. en est exempté par la commission scolaire en raison de maladie ou pour recevoir des soins ou des traitements médicaux requis par son état de santé;
2. en est exempté par la commission scolaire, à la demande de ses parents et après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficultés d'adaptation ou d'apprentissage établi en application de l'article 185, en raison d'un handicap physique ou mental qui l'empêche de fréquenter l'école;
3. est expulsé de l'école par la commission scolaire en application de l'article 242;
4. reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience éducative qui, d'après une évaluation faite par la commission scolaire ou à sa demande, sont équivalents à ce qui est dispensé ou vécu à l'école.»
L'interprétation courante la plus coercitive de cet article 15, 4e alinéa, est qu'une famille qui désire faire l'école maison est tenue d'aviser par écrit la commission scolaire de son choix. La commission scolaire lui soumet alors une procédure d'évaluation, propre à chaque commission scolaire, afin de s'assurer que l'enfant reçoit bien une éducation adéquate. Couramment, l'évaluation consiste en la présentation d'un portfolio d'apprentissage de l'enfant préparé par le parent (et l'enfant selon sa capacité) ou un ensemble d'évaluations sommatives imposées par la commission scolaire ou encore un jumelage des deux approches. Précisons dès maintenant que nous n'endossons absolument pas cette interprétation. Nous jugeons nécessaire de discuter des implications de cette procédure.

Aux premières considérations superficielles, cette façon de procéder semble raisonnable. Bon nombre de familles sont satisfaites de l'entente qu'elles ont avec leur commission scolaire. Toutefois, le caractère raisonnable d'une interprétation n'en fait pas pour autant une interprétation juste. Nous entendons «juste» dans le sens de ce qui reflète la justice comme valeur humaine.* Notre société se veut une société libre et démocratique. Une éthique des rapports humains cherche continuellement à y maintenir sa place. C'est de cette aspiration à une profonde éthique des relations entre les personnes, tant morales que physiques, que nous voulons orienter la réflexion sur une interprétation alternative du corpus légal touchant l'école maison. Rappelons que ce chapitre n'est pas un avis juridique. Il propose une réflexion sur les textes légaux qui permettra peut-être un raffinement des concepts qui y sont en jeu. Les lois modifient rapidement une société mais une société change plus lentement l'interprétation d'une loi. Cette série d’articles n'est qu'une modeste contribution sociale pour progresser vers une société meilleure.

La formulation de la loi sur l'instruction publique comporte des zones grises qui permettent de concevoir des scénarios différents de celui présenté deux paragraphes plus haut. Le premier point qui peut être remis en question est l'obligation pour une famille d'aviser la commission scolaire de son choix de faire l'école maison. La formulation des 3 premiers alinéas de l'article 15 indique clairement le rôle décisionnel de la commission scolaire: l'enfant est soit exempté, soit expulsé par la commission scolaire. Le 4e alinéa ne comporte pas cette formulation alors qu'il aurait été très facile pour le législateur de continuer avec la même logique syntaxique. On comprend donc que, dans le cas de l'école maison, ce n'est pas la commission scolaire qui exempte l'enfant de la fréquentation obligatoire d'une école, c'est le parent lui-même comme lui en donne le droit son autorité parentale. La lettre d'information du choix de faire l'école maison serait donc facultative et soumise plutôt au contexte particulier à l'enfant.

Ainsi, une famille qui désire retirer son enfant de l'école qu'il fréquente, devrait en aviser la commission scolaire pour deux raisons :

La première, est une simple question de courtoisie: vous ne désirez plus avoir recours aux services éducatifs offerts par la commission solaire, il est juste de l'informer qu'elle est dégagée de cette responsabilité que vous ne voulez plus déléguer.

La deuxième raison est que la commission scolaire est une personne morale de droit public, ses fonctions, responsabilités et pouvoirs sont donc encadrés par des lois. Or la loi sur l'instruction publique exige d'elle qu'elle signale au directeur de la protection de la jeunesse toute famille dont l'enfant s'absente fréquemment de l'école sans justification (a.18). Alors, si vous n'avisez pas la commission scolaire, celle-ci, ignorant votre décision, ne fait qu'accomplir son devoir en communiquant avec la direction de la protection de la jeunesse.

Cependant, si vous êtes dans la situation où votre enfant n'a jamais fréquenté une école et n'a jamais été inscrit à la commission scolaire, vous auriez le choix (selon cette interprétation alternative) d'aviser la commission scolaire ou non de votre décision de faire l'école maison. Rappelons que selon l'interprétation que nous proposons, la loi n'a pas formulé de pouvoir décisionnel concernant le choix premier d'une famille de faire l'école maison à ses enfants. Il serait donc tout à fait inutile pour une famille incognito devant une commission scolaire de communiquer avec cette institution sauf si cette famille y voit quelque utilité.

Nous croyons qu'il y a une distinction à faire entre les familles qui ont inscrit leur enfant à la commission scolaire et les familles qui ne l'ont pas inscrit. L'article 447 de la loi sur l'instruction publique prévoit la création d'un régime pédagogique. Dans le Régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, il est clairement indiqué à l'article 9 que pour pouvoir bénéficier des services éducatifs dispensés par la commission scolaire, le parent doit en faire la demande. C'est à dire qu'il y a une demande de contrat pour lier la famille et la commission scolaire au sujet de services éducatifs. Une famille qui n'inscrit pas son enfant à la commission scolaire manifeste son refus de l'offre de contracter que lui fait la commission scolaire en tant que personne morale de droit public. Une telle famille n'a donc aucune obligation d'informer la commission scolaire de son choix de faire l'école maison car elle n'a aucun contrat qui la lie à celle-ci.

Nous entendons déjà les protestations de ceux qui expriment la crainte que l'enfant ne reçoive pas une éducation adéquate du fait d'une incompétence parentale ou qu'il soit même abusé moralement ou physiquement. Pour ces gens, la connaissance qu’aurait la commission scolaire de sa clientèle de famille d'école maison est la seule façon de gérer ce risque. C'est-à-dire qu'ils jugent que toute famille faisant l'école maison doit aviser sa commission scolaire. À cela, nous apportons quelques éléments de réponses.

Tout d'abord, bien des enfants abusés ont fréquenté et fréquentent en ce moment même le système scolaire sans que jamais un professionnel de ces services publics ne détecte ces cas d'abus. Aussi, bien des enfants qui bénéficient des services éducatifs de la commission scolaire n'en sortent pas avec une éducation adéquate (analphabétisme, décrochage scolaire par exemple).

Deuxièmement, le Code civil du Québec demande à chaque personne d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi (article 6), c'est-à-dire sans intention de nuire à autrui. Dans nos rapports humains, nous prenons pour acquis que chacun d'entre nous agit de bonne foi (présomption d'innocence...). Le Code civil reconnaît aux parents, non déchus de leur autorité parentale, le droit et le devoir d'éduquer leurs enfants. Un parent qui use de ce droit et accomplit son devoir civil doit donc être présumé le faire de bonne foi. Par conséquent, l'idée de contrôler les possibilités d'abus au moyen d'une lettre d'information ne tient pas la route. Maintenant, nous reconnaissons qu'il y a effectivement une possibilité pour qu'une famille n'agisse pas pour le meilleur intérêt de son enfant et cache ses manques sous l'image de l'école maison. Cela rend-il la lettre d'information à la commission scolaire nécessaire pour autant? Non, car notre société a déjà une loi pour gérer ces déficiences parentales. Il s'agit de la loi sur la protection de la jeunesse. Nous l'avons présentée dans une section précédente. Nous avons vu que le fait qu'un enfant d'âge scolaire ne fréquente pas une école suffit pour faire un signalement au directeur de la protection de la jeunesse et pour que celui-ci ouvre un dossier. Notre société a donc une autre procédure de contrôle social que de «faire rapport» à la commission scolaire. Nous conseillons donc l'envoi d'une lettre à la commission scolaire seulement pour les familles dont l'enfant y est inscrit, et ce, pour des raisons de politesse et pour éviter d'avoir immédiatement un intervenant de la D.P.J. à votre porte.

Certains argueront que, de toute manière, toute famille faisant l'école maison doit se faire connaître à la commission scolaire desservant son territoire afin que celle-ci puisse procéder à l'évaluation de l'enseignement et de l'expérience éducative vécu par l'enfant. Cette opinion ne tient pas compte de deux zones grises additionnelles dans la formulation de la loi.

En premier lieu, il y a méprise sur l'obligation de procéder de facto à une évaluation faite par la commission scolaire. En effet, la loi affirme dans un premier temps que l'évaluation est faite «par la commission scolaire» mais dans un deuxième temps «ou à sa demande». L'un des modes n'est pas mis en priorité sur l'autre. L'expression «ou à sa demande» implique une possibilité, et non une certitude, que la commission scolaire demande une évaluation dont, en plus, elle n'est pas nécessairement l'auteure.

Il est aussi nécessaire de discuter davantage de «qui» est en autorité de produire une évaluation. La loi formule clairement dans un premier temps que la commission scolaire est habileté à faire une évaluation de l'enseignement et de l'expérience éducative vécue par une famille. Mais il n'y a pas que la commission scolaire qui a la compétence de soumettre une évaluation. Dans la situation où la commission scolaire demande une évaluation, la loi ne spécifie pas qui peut répondre à cette demande. Les parents peuvent donc y répondre à en fournissant leur propre évaluation ou celle d'un professionnel choisi par eux. Certaines commissions scolaires commettent un abus en tentant d'imposer unilatéralement la procédure d'évaluation aux parents. La formulation de la loi ne lui donne pas un tel pouvoir. C'est le parent-éducateur en premier lieu qui doit choisir le mode d'évaluation qui convient à sa famille. Il peut choisir une évaluation faite par la commission scolaire comme il peut la refuser. S'il la refuse, la commission scolaire doit accepter le dossier d'évaluation soumis par le parent pour répondre à sa demande.

Nous poursuivrons bientôt avec notre réflexion sur la légitimité d’une loi. Nous espérons que vous serez des nôtres.

© LEMAQ 2003-2007

* "justice morale qui respecte les droits et libertés humaines"